Les escargots

Publié le par Magali

[Nouvelle autobiographique trash, 2015]

Un des deux garçons te colle contre le mur de la maison. Le crépis te griffe le dos. Il est près de dix heures du soir, Papa va s'inquiéter. Il faut que tu rentres.

Tu ne sais plus ce que tu fais là. Il y a ce type qui se rapproche de toi et qui te caresse le visage. Il y a cet autre mec qui guette la maison, au cas où.  Tout à l'heure, ils t'ont dit que tu étais jolie. Peut-être que tu en as embrassé un ou peut-être les deux. Tu ne sais plus trop. Tu veux juste rentrer. Mais ton corps refuse de bouger.

Le garçon se colle contre toi. Tu sens son haleine sur ton visage. Tu as le cœur qui s'accélère, qui bat dans les tempes. Tu sens les lèvres du garçon se coller contre les tiennes. Tu le sens forcer ta bouche. Tu sens une langue grasse, visqueuse qui s'enfonce dans ta gorge, qui fouille, qui y déverse son jus. Tu  penses à ces escargots que l'on fait dégorger avec du gros sel avant de les bouffer. Tu sens que la bave coule dans ton œsophage. Tu fermes les yeux à t'en fendre les paupières. Fuir les escargots. Mais plus tu tentes les fuir, plus ils grossissent. Leur bave se déversent sur ton menton. Certains se trémoussent vers ta glotte. Tu suffoques. Réagis ! Réveilles-toi ! Fais quelque chose !  D'un coup, le garçon se dégage.

L'autre vient de le virer. Il est plus grand, il t'offre un sourire méchant. Ton sang se glace. Il s'appuie contre toi, son sexe presse ton ventre. A nouveau, la langue qui se fourre, plus brutale, plus frénétique. Des mains moites fouillent sous ton sweet sheart. Elles te palpent, te griffent..

Quelqu'un t'écarte du mur.  Quelqu'un se presse contre ton dos. Quelqu'un s'affaire sur les boutons de ton jean. Tu t'entends pleurer. Tu te vois te défendre mollement. Tu es assourdie par le tambourinement dans ta poitrine. Tu ne n'es plus vraiment là.

Tu penses à papa.

A la soupe qui doit être en train de chauffer. A la table qu'il faudra mettre, les couteaux à droites, la fourchette et la grosse cuillère à gauche.

Tu es avec papa. 

Tu es loin de cette fille blême, le visage pressé contre le crépis, alors qu'un des garçon s'énerve dans son corps et que l'autre, pantalon sur les genoux, filme avec son téléphone.

Tu n'es pas là.
Tu es en train de mettre les cuillères à gauche.

Publié dans Fragments

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